Au fait, la philosophie, c’est quoi ?

C’est un amour de la sagesse, comme l’indique l’étymologie ? Une doctrine du salut, comme l’avance Luc Ferry ? Oui, c’est une façon de le dire. Encore avant, on peut aussi définir la philosophie comme une quête de la vérité. J’entends les remarques, et notamment la critique facile et habituelle : « la philosophie ne sert à rien, parce que si elle pouvait donner la vérité, depuis Platon et tout ça, ce serait fait depuis longtemps…» Erreur ! D’abord, parce que là où il y a de l’humain, il n’y a pas de vérité une et définitive. Jamais on ne vous donnera la vérité. Ceux qui prétendent le contraire sont des gourous que je vous conseille de fuir. La philosophie n’a donc jamais eu pour vocation de donner la vérité. Sa vocation est de la chercher, et de la chercher tout en sachant qu’elle ne la trouvera jamais. À quoi joue-t-on me direz-vous ?

À construire des systèmes, des vérités possibles et à le faire de la manière la plus inattaquable possible. Je m’explique : tout est affaire de cohérence. Si je pose telle affirmation, sans m’en rendre compte d’abord, je pose plein d’autres choses implicitement : accepter A signifie également accepter B et D, mais refuser C par exemple. La philosophie va expliciter ces liens logiques, et s’y appuyer pour essayer de construire des descriptions du monde les plus cohérentes et les plus fortes possible. À partir de quelques prémisses ou d’une intuition de départ, le philosophe « déduit » une description du monde, qui alors, si tout est bien cohérent, doit quasiment se construire toute seule. Le philosophe est alors comme l’artisan d’un système qui ne lui appartient plus. C’est en ce sens que la philosophie se distingue du débat d’opinion. Il ne s’agit pas de dire « je crois que », « je pense que »… mais de voir ce que contiennent les idées et des concepts en eux-mêmes. On les ouvre donc, à la manière d’un scientifique, et on les laisse parler. L’opinion des uns et des autres n’a pas d’importance ici et celle de Platon de vaudrait pas plus que la mienne s’il ne s’agissait que de ça.
Mais ce n’est pas tout, car en décrivant le monde, la philosophie pose en même temps ce qui convient. Elle pose des façons d’être et de faire au mieux, bref des normes. Par exemple, chercher à comprendre ma nature d’être humain, c’est aussi indiquer ce que je pourrais ou devrais faire pour réaliser cette nature. Et c’est ici que nous retrouvons les définitions données par l’étymologie ou Luc Ferry : « l’amour de la sagesse », ou « le salut » désigne cet intérêt que l’on porte à comprendre notre monde, savoir s’y comporter, dans quelle direction aller pour se réaliser. Kant va synthétiser l’enjeu de la philosophie en 3 questions : que puis-je savoir ? que dois-je faire ? que m’est-il permis d’espérer ? Répondre à ces questions, c’est effectivement progresser vers la connaissance, vers la sagesse ou vers le salut, selon le nom que l’on veut lui donner.

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