André Comte-Sponville / Le bonheur, désespérément

Ce petit opus est la transcription d’une conférence donnée en 1999 (souvent reprise) et suivie par une période de questions du public, elles aussi retranscrites. Dans un premier temps, Comte-Sponville s’interroge sur les raisons pour lesquelles nous sommes si peu ou si difficilement heureux. C’est qu’il semble y avoir, dans le bonheur lui-même, une contradiction logique. Tout homme désire être heureux. Or, la nature du désir semble nous condamner au tragique : le désir est manque si bien que tout désir comblé disparaît bientôt comme désir ; ce qu’on vient d’obtenir ne nous intéresse déjà plus, l’ennui point. Ce que je désirais, et qui devait faire mon bonheur, déçoit ; le bonheur lui-même que je désire, lorsque je l’atteins, m’ennuie. Le bonheur, coincé entre les oscillations du désir et de l’ennui, n’est donc que fugacement entraperçu et au final, perpétuellement manqué. Ne peut-on désirer ce qu’on a, et donc être heureux ? Oui, répond Compte-Sponville, mais alors il faut ramener le bonheur du côté de la joie et du plaisir. L’erreur, quand on définit le désir comme manque, c’est de l’assimiler à l’espérance. Espérer, selon Compte-Sponville, revient à désirer sans savoir (on ignore l’issue de notre espérance), sans pouvoir (on n’espère que ce qui ne dépend pas de nous) et sans jouir (la jouissance est sans cesse ajournée). Or, tout le désir n’est pas espérance. Il suffit donc d’écarter, dans notre désir de bonheur ou dans notre désir vers le bonheur, tout ce qui relève de l’espérance. Ceci distingué, il est évident – et même souhaitable – qu’on peut désirer ce qu’on sait, ce qu’on peut, ce qu’on a, bref, ce qui dépend de nous, et que nous pouvons nous en réjouir. C’est donc par là qu’il y a un bonheur possible en actes. Le bonheur désespéré, c’est donc un bonheur qui enracine son désir dans le présent en s’étant débarrassé du tragique de l’espérance.

Le bonheur, désespérément

Le bonheur chez Kant

Emmanuel Kant, philosophe allemand (1724-1804) passe toute sa vie à Koenigsberg (actuel territoire russe), où il se consacre à l’étude et à l’enseignement. Son œuvre immense  s’intéresse à tous les sujets. De santé très fragile, mais se sentant investi d’une importante mission, il la mène à bien en économisant ses forces par une hygiène de vie stricte et routinière. La légende veut d’ailleurs que les habitants aient réglé leur montre sur la promenade digestive du philosophe. Lorsqu’il s’éteint, ses derniers mots furent « c’est bien ». 

Kant

Au siècle des lumières, alors qu’un enthousiasme pour le progrès sensé apporter et répandre le bonheur se lève parmi les penseurs, la conception kantienne du bonheur apparaît plus sombre. C’est que, contrairement aux philosophies eudémonistes d’Aristote ou d’Épicure, Kant ne fait pas du bonheur le bien ultime (le souverain bien) que l’homme puisse rechercher. Lire la suite

Le bonheur chez Épicure

Philosophe grec, 341-270 né à Samos. Malade toute sa vie, faisant l’expérience de l’exil et de la pauvreté dans sa jeunesse, ses premières années ont pu être éprouvantes. Personnalité très charismatique, il fonde à 35 ans une école à Athènes : « le jardin » où il enseignera jusqu’à sa mort, entouré de disciples et d’amis. 

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On connaît surtout Épicure par l’adjectif tiré de sa doctrine : l’épicurisme. Par là, on entend communément un hédonisme, soit une vie faite de la recherche de plaisirs. Quand on dit de quelqu’un que c’est un épicurien, on imagine un bon vivant, qui profite des plaisirs de la table, savoure les femmes, et rit à gorge déployée parmi une bande d’amis du même acabit. Encore une image d’Épinal qui n’a rien à voir avec la philosophie d’Épicure. Lire la suite